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Parent déléguée titulaire - Infiltrée et contrariée

 

Entre nous, je l'avoue, l'école n'a jamais été une priorité chez moi, et ça, c'est depuis toujours. Néanmoins, cet état d'esprit ne m'a pas empêché d'obtenir mon bac (au rattrapage) et un Master en médiation culturelle et communication plusieurs années plus tard. Ce contexte explique sûrement pourquoi je n'ai jamais forcé mes enfants, mes trois filles, à faire d'études supérieures. 

CAP, filière pro... Peu importent leurs choix, l'essentiel est de faire ce que l'on aime dans la vie. Et pour l'argument "oui mais bon, si c'est payé le SMIC..." ben moi je réponds : "Je suis la seule bac+5 de ma fratrie, ma sœur aînée a un bac+2, ma petite sœur a laissé tomber le lycée et mon frère a un CAP mécano....et pourtant des quatre....c'est moi qui suis la moins bien payée!".

Peu importe, pour en revenir à mon sujet de départ, quand mes grandes étaient en petite section, je les gardais à la maison l'après-midi, je les voulais pour moi toute seule, sachant que bientôt l'école serait le lieu où elles passeraient le plus clair de leur temps. Les bonnes notes m'importent peu, j'insiste parfois sur le fait qu'elles seront fières d'elles si elles donnent le maximum dans tout ce qu'elles font mais cela vaut pour les études, le sport, les engagements associatifs, les relations... Nous n'apprenons pas tout à l'école, je le sais, j'ai grandi en ZEP, mon lycée était le pire de France en termes de réussite au bac l'année où je le passais. J'ai obtenu mes premiers diplômes grâce à mes "Annabrevet" et "Annabac". Mes études supérieures, je les ai faites à Paris XIII, du DEUG au Master, les mêmes profs, les mêmes cours réchauffés, la même lassitude... Heureusement qu'il y a eu les stages, mes jobs étudiants et ensuite l'armée, j'y ai appris à communiquer "pour de vrai"...c'est dire. 

 

En parallèle de ce parcours personnel, dans mon travail de correspondante de presse, j'ai déjà malheureusement eu la tâche de recueillir le témoignage de parents ayant des enfants harcelés, déscolarisés, souffrant de phobie scolaire, troubles alimentaires, dépression... et le plus tragique, certains m'ont parlé du suicide de leur enfant malgré leurs actions en amont auprès des établissements scolaires, rectorat, médecins...

Après tout cela, je l'affirme, oui haut et fort, et même devant mes enfants c'est vrai : l'école ce n'est pas la vie ! J'assume ce que je pense alors je le verbalise. L'école et l'éducation nationale, ce n'est pas l'avenir, on peut se retrouver en formation pro, pour adulte, en reconversion : tout au long de la vie ! Il faut arrêter de stresser nos gamins avec "leur futur" ! Le présent est assez anxiogène pour eux. Puis, ne pas savoir ce qu'on veut faire à 13 ans, 15 ans, 18 ans, 25 ans...c'est tout à fait normal et ce n'est pas grave du tout. C'est même plutôt sain quand on y pense. 

Alors, un système d'orientation qui se base sur les notes et non pas les personnalités et les envies...c'est tout bonnement ridicule. Être orienté par des personnes adultes qui ne connaissent que le système scolaire et non pas le monde du travail, même combat, c'est une aberration !

Alors voilà, vous l'avez deviné, je ne suis pas le genre de mère à forcer ses enfants à aller à l'école, avoir de bonnes notes... mais le comportement en classe c'est une question de respect donc là je suis au taquet. 

Maintenant que tout cela est dit, vous comprenez pourquoi je ne suis pas une maman ultra-engagée dans la scolarité de ses enfants, ni dans les associations de parents d'élèves. Je ne fais pas de crêpes ou de taboulés pour les kermesses, je vais à peine aux réunions parents/profs...sauf si je suis personnellement "convoquée" (oui on m'a déjà "convoquée" à l'école de mes enfants...et non pas "invitée"). 

Je conseille mes filles avec mes propres connaissances, limitées mais je le reconnais devant elles, et je les laisse faire leurs propres choix également : orientation, boulots étudiants, stages... Malgré quelques ennuis de santé (audition pour la grande et psy pour la benjamine), elles n'ont pas de difficultés particulières à l'école, elles ont des capacités, et à mes yeux elles sont donc responsables des notes qu'elles obtiennent. Il est rare qu'elles me sonnent pour leurs devoirs si ce n'est pour l'espagnol, le français et pour relire parfois une lettre de motivation...Puis, elles sont bien meilleures que moi en maths, anglais... Je ne vais donc pas inventer d'expertise que je n'ai pas et encore moins une forme de contrôle sur leur vie.  

Le peu de fois où elles ont été punies à l'école, elles l'ont été derrière à la maison. C'est un principe. J'en ai peu pourtant, je suis une femme de valeurs en réalité. Mais cette règle, elles la connaissent : si un prof te punit, je te punis derrière, je soutiens l'autorité quand les limites sont dépassées. Voilà, mon rôle de parent d'élève se résume un peu à cela depuis plus de quinze ans. Être là mais sans en faire des caisses. Mes filles se responsabilisent et les profs connaissent bien leur boulot. Confiance est mon maître mot de ces relations.

 

MAIS VOILÀ, courant novembre 2023, je reçois un mail concernant la classe de seconde où ma fille est scolarisée depuis la rentrée. Il n'y a pas de parent délégué pourreprésenter les élèves et la voix de leurs parents lors des conseils de classe. 

Manque de bol, je suis une vraie bonne poire dans ce genre de situation, moi et mon syndrome du super héros. Quand on appelle à l'aide, je ne sais pas dire non. Là en l'occurrence je n'ai pas vraiment dit oui non plus, j'ai répondu "Si vous n'avez vraiment personne, je peux venir aux conseils de classe...". Ni une, ni deux, le soir même je me retrouve élue parent déléguée titulaire et adhérente à une association de parents d'élèves connue sur le territoire.

Bon ça m'apprendra. Je relativise. C'est quoi, quatre heures annuelles à donner... J'ai été déléguée suppléante au lycée en …1998...ça remonte mais ça doit être pareil, je viens, j'écoute, je note, je transmets, je relève d'éventuelles incohérences, oublis, j'aurais peut-être quelques questions de parents à verbaliser... et cerise sur le gâteau ça va me rapprocher de ma fille, elle est déléguée de classe. On se fritte souvent avec nos caractères, nous sommes toutes deux aussi têtues que déterminées et nous maîtrisons bien le verbe quand il s'agit d'argumenter. Avoir une mission commune ne nous sera que bénéfique relationnellement parlant.

Alors, janvier 2024...je me retrouve au premier conseil de classe en tant que parent déléguée titulaire ! Quel titre, ça claque hein ! À mes côtés, une autre maman qui a dû se faire avoir avec le même mail d’appel à l’aide en novembre. Elle sourit, elle est discrète et elle me glisse "je suis prof au collège à côté, je connais pas mal des élèves de la classe, je les ai eus...". Bon, je me dis "Cool, elle va gérer, je vais prendre des notes et proposer de taper le compte rendu alors !".

 

17h20 on démarre avec 5 petites minutes de retard. Enfin, une personne sort de la salle devant laquelle nous attendions sagement avec les deux délégués de classe et on nous dit "ben faut entrer !". La porte était fermée...perso, quand je ne suis pas chez moi, j'ai tendance à attendre qu’on m’invite à entrer… je ne veux pas déranger. Mais bon, encore une fois, ce n'est pas grave… les us et coutumes... voilà.

Dans la salle, trois femmes (profs d'anglais, de français et d'espagnol) et sept hommes (le principal, le CPE, le prof principal qui est prof de maths, le prof de SES, celui de physique, de techno et d'histoire géo). Pour la parité, on repassera. D'ailleurs, durant le conseil, ce sont ces messieurs qui prennent la parole...Les femmes sont ultra discrètes. 

Mais au total, je nous trouve nombreux pour cet échange et je me dis qu'avec une assemblée pareille pour une classe de 30 élèves, on devrait en avoir pour un bon petit moment.

Quelle naïve ! En une heure chrono et malgré mes questions et réactions c'était plié !

L'un des profs a d'ailleurs dit quand je les interrogeais sur les choix d'orientation d'une jeune fille "Bon on va passer à autre chose sinon on en est encore là demain !". Oui, ben...on est un peu là pour ça en même temps (payé et/ou engagés donc autant le faire correctement).

Je suis remontée, je sais, mais vous allez comprendre pourquoi tout de suite.

 

Le conseil commence par la prise de parole du principal qui nous rappelle les règles "nous sommes là pour parler des élèves et non pas des profs et de leur pédagogie…" Yes.... Jepeux retirer toutes les questions et remarques de parents reçues en amont !

Un tour de table pour tous se présenter. OK, jusqu'ici tout va bien ...

Et c'est parti. Nous écoutons le professeur principal faire la synthèse des notes et remarques obtenues, un à un, pour chaque élève. Et ensuite, il transmet les vœux d'orientation de chacun pour l'année de première. Les profs doivent se prononcer pour avis : favorable, défavorable ou réservé.

C'est là que ça se gratine ! C'est parti pour ce que j’appelle « le florilège des desserts ». Des mots sortis de la bouche de trois profs en particulier, ceux qui aiment parler plus fort et plus souvent que les autres...et en une heure j'entends des propos absolument déplacés au sujet des élèves : "ce gugusse", "il est pénible", "celle-là on va encore l'avoir dans les pattes longtemps… », "il comprend rien", "elle est pas adaptée!", "lui, il est border line!", "le redoublement je vous le rappelle ça coûte 10 000 balles au contribuable donc à nous!".... 

Bon .... Par où je commence ?

Par le début. Je ne juge pas les réactions humaines. Au boulot, on est tous à bout, c'est dans l'air du temps. Il nous arrive à tous en rentrant à la maison de dire que "l'autre con de la compta nous a pris la tête...". Mais on le fait à la maison, pas au travail, sinon, éventuellement, à la pause avec un collègue de confiance sans spectateurs et.... Nous parlons de collègues, parfois du patron.... Et non pas d'enfants en fait !

Là, ce qui me choque également, c'est que ces trois-là sont tellement blasés et se sentent au-dessus de tout, des règles, du savoir-vivre, du professionnalisme…qu'ils sortent ce genre de propos devant leur hiérarchie sans craindre de retombées (en même temps, la hiérarchie en question, le principal, sourit en guise de réaction), devant les parents délégués (la dame prof (qui sourit aussi) et moi (qui fronce les sourcils)), et devant les deux délégués de classe (ils ont 15 et 16 ans)....

Ce sentiment de toute puissance et ces jugements à la limite de l'injure me laissent dubitative.

Il me semblait que les injures, le harcèlement moral... d'un élève par un professeur relevaient du délit pénal...

Et, au-delà du comportement verbal des professeurs, qui avec ce genre de propos se sont permis de prononcer 13 avertissements liés au comportement (pour une classe de 30 élèves je le rappelle, ils en ont gros je crois), j'aimerais embrayer sur un deuxième souci : les choix d'orientation.

Nous sommes donc fin janvier, à mi-parcours de cette année scolaire de seconde. La plupart des élèves ont demandé à faire une première générale avec leurs choix de spécialités. Certains ont une moyenne générale inférieure à 10. Il y a sept mois, ils étaient encore au collège je le rappelle. Automatiquement j'entends le principal proposer un avis défavorable pour ceux-là et les professeurs se questionner sur « Quel bac technologique alors?"... Je rêve... Si un élève n'a pas la moyenne, on ne regarde pas pourquoi, ni comment…encore moins les spécialités qu'il a choisi... mais on dit juste non à la première générale et on place directement l'élève en première technologique. Quid des filières pros : CAP, BEP, Bac pro...?(Les redoublements j'ai compris, "ça coûte trop cher au contribuable !"). J'ai donc posé la question et la réponse m'a fait mal comme une baffe en pleine tronche : "La question ne se pose pas madame, si c'est pas la première générale c'est techno, c'est comme ça depuis des années...". Ah l'argument sociétal et du "c'est comme ça". Moi qui me suis toujours trouvée trop fataliste, j'ai trouvé mes maîtres ce soir-là ! 

Puis c'est pas comme si le choix était large pour les enfants, parce que nos chers profs...mettent des vœux qu'ils ont à disposition dans le lycée. "Ben allez-y refilez moi tous les casdésespérés en première!". C'est beau ça Bernard (personne ne s'appelle Bernard, je reste pro, j'anonymise les profs irrespectueux). Ou bien "Au lycée de .... Ils font photo non?"..."Non mais Nadine (personne ne s'appelle Nadine non plus) tu sais bien que là-bas ils nous prennent jamais personne!"...

Whouaaaa et ce sont "nos" enfants qui sont jugés de "nonchalant", comme "manquant d'implication et de motivation", avec des trimestres "moyen", "décevant", "fragile"... 

Comme le disait si bien ma mère : c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Quoiqu'en France ces dernières années, ce n'est plus vraiment un dicton populaire mais une réalité de terrain... Je m'égare mais pardonnez-moi, j'ai tellement de choses à dire...

 

 

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